L'art de guérir avec les médecines complémentaires

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Elya
Hasson

La psychomagie est issue des observations d’Alejandro Jodorowsky sur les guérisseurs traditionnels. Selon eux, les maladies sont des messages révélant des problèmes inconscients et non résolus. Il s’agit pour les résoudre de développer des techniques propres à chaque situation et de faire preuve de créativité. La psychomagie permet de régler des conflits intérieurs de tout ordre. C’est un outil entraînant une catharsis, une libération allant jusqu’à celle de l’inconscient. Elle s’adresse à tous, et permet de dénouer « comme par magie » les nœuds de souffrance.

 Définition

La psychomagie est une forme de thérapie qui propose de traiter un problème par des actes qui parlent directement à l’inconscient, grâce à des rituels et à la prise en compte de ses sensations. Elle privilégie l’action qui va mettre en mouvement l’inconscient, qui va agir comme un allié. L’acte psychomagique s’adresse directement à l’inconscient, dans un langage allégorique.

Expérience de l’auteure

J’ai pratiqué deux actes de psychomagie, réalisés par l’un des assistants d’Alejandro Jodorowsky. Il a commencé par tirer quelques cartes, pour en arriver rapidement aux maux qui m’habitaient. J’avais deux problèmes saillants à ces époques de ma vie, en 2014 et en 2015 : le deuil d’un avortement, réalisé vingt ans plus tôt et qui était ressorti en constellation, et l’héritage transgénérationnel de comportements abusifs et de maltraitance, provenant de figures paternelles comme maternelles, envers les femmes de ma famille.

Ces exercices de psychomagie m’ont fortement marquée, mettant en lumière des traumatismes jusque-là cachés à ma conscience, et ont été bénéfiques sur la durée. Comme dans toute technique de guérison psychique, tout n’est pas noir ou blanc. D’après mon expérience, seul un travail sur le long terme et des allers-retours en profondeur peuvent permettre de prendre la voie de la guérison . Concernant la blessure émotionnelle liée à l’avortement, ce thérapeuthe m’a indiqué le protocole suivant : il s’est d’abord appuyé sur un tirage de cartes, que nous avons réalisé ensemble. Puis il m’a dit: «Prends un caillou, mets-le autour de ta taille devant ton nombril en l’enroulant avec un tissu autour de toi. Tu dois le garder comme si tu étais enceinte, et le cajoler pendant trois jours et trois nuits. Ensuite, tu dois trouver un homme que tu dois embrasser sur la bouche après avoir mis le caillou dans ta bouche. À travers le baiser, tu dois lui transmettre la pierre. Ensuite, vous irez l’enterrer, vous planterez un figuier par-dessus et vous l’arroserez.

Puis, si possible, faites l’amour.» Tout ceci m’a paru tout d’abord absurde, fou et impossible. La première difficulté venait du fait qu’à cette époque, j’étais célibataire, et qu’il fallait trouver quelqu’un d’assez ouvert pour lui dire: «Écoute, on va faire un acte de psychomagie ensemble, on doit s’embrasser et je vais te filer une pierre dans la bouche, et ensuite on ira planter un arbre et faire l’amour ! » J’avais de grandes chances d’être prise pour une folle, même si la dernière partie, dite « facultative », pouvait être un bon argument. J’ai donc mis plusieurs semaines à trouver une personne, qui m’a été envoyée par une amie que j’avais rencontrée dans le monde du coaching à Los Angeles.

Elle voulait absolument me présenter l’un de ses amis, de passage à L.A., mais qui habitait en Nouvelle-Zélande. Lors de notre rencontre, j’explique à cet homme, pour qui je n’avais pas d’attirance particulière, mais qui se trouvait être là temporairement, l’acte magique que je dois réaliser, et lui demande s’il veut bien être mon partenaire. Après réflexion, il accepte et nous nous retrouvons pour nous mettre en quête d’un figuier. J’ai déjà depuis trois jours un tissu autour de la taille tenant un caillou, et tout cela me paraît très pénible, ridicule, long et éprouvant. Mais nous commençons à creuser le trou ensemble, et la magie opère : nous nous embrassons, et une véritable alchimie naît, après avoir touché la terre ensemble. Nous ne jugeons plus l’insanité de cet acte, et lâchons toute rationalité, tout jugement, pour être totalement soumis à la nature et à un schéma de guérison.

L’attirance devient magique, et l’ensemble prend une allure solennelle. Cet homme d’affaires, fin psychologue, perd lui aussi ses repères, et je sens bien qu’il partage mon sentiment. J’ai songé alors à toutes ces histoires et ces légendes où opèrent des philtres d’amour et autres potions magiques, et je crois vraiment à la puissance du rituel, de la préparation mentale, qui provoque une attraction irrésistible. Ensuite, la force du filtre s’est estompée… après quelques semaines où nous avons continué à échanger par téléphone, l’at- traction a disparu.

L’autre acte que j’ai réalisé pour prendre conscience et surtout arrêter le schéma victimaire qui sévissait chez les femmes de ma famille et dont j’étais l’héritière, fut de découper des photos. De ma mère, de mes grands-mères, et même de mes arrière-grands-mères, et d’aller aussi loin que je pouvais remonter. Ensuite, je les ai cousues sur un fil, je les ai mises sur mon front et j’ai dormi avec pendant huit nuits, chose qui était difficilement supportable. Puis, j’ai brûlé cette étrange couronne, et j’ai planté des fleurs sur le tas de cendres en prononçant des prières. Je fus vraiment soulagée de m’être débarrassée de cette lignée, symboliquement et donc mentalement. Voir ces visages, les côtoyer puis m’en défaire m’a aidée.

J’ai voulu faire la même chose avec mon couple, mais cela n’a pas fonctionné. Même si cela paraît drôle à raconter, c’est extrêmement pénible à vivre; j’ai également porté une croix, que je devais fabriquer avec des feuilles piquantes, comme un poids qui blesse, le troisième acte de psychomagie en sept jours, l’objectif recherché était que mon inconscient comprenne enfin, une fois que j’enlèverais cette croix, que j’étais libre moi aussi de me dégager de mes pensées toxiques tout comme je pouvais à volonté enlever cette croix qui me faisait souffrir.

La psychomagie est comme un court-circuit qui opère sur la problématique. Ce court- circuit est réparateur. À la fin, il y a en général une élimination de ses ascendants par le feu, pour purifier nos descendants et nous-mêmes. Un autre protocole cou- rant est d’écrire des lettres, puis de les brûler en proclamant des formules. Les principes qui les sous-tendent sont une destruction, une purification, une illumination dans le feu, et ensuite une floraison d’arbres fruitiers, de fleurs, le tout dans la terre, dans un matériau ancré qui nous a constitués, dont nous venons et au sein duquel nous retournerons.